Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Anthony Berthou est nutritionniste, conférencier et enseignant à l’Ecole Polytechnique de Lausanne et dans différentes universités suisses et françaises. Spécialisé en micronutrition et en sport-santé, il partage son savoir et sa passion à travers son site santé et nutrition qui est une vraie mine d’information.

De par la qualité de son approche et son discours très pédagogique, il est devenu au fil des années, une référence en matière de nutrition sportive et accompagne, à ce jour, plusieurs athlètes dans leur préparation aux Jeux Olympiques.

C’est avec une immense joie et beaucoup d’honneur que nous avons reçu quelques uns de ses conseils. Cette interview fut l’occasion parfaite d’en connaître un peu plus sur sa vision du sport et de la nutrition. Un grand merci de la part de tous les membres de l’équipe :).

anthony berthou micro conference

Je te suis principalement dans le cadre de ton expertise auprès des sportifs et notamment des triathlètes, mais tu travailles aussi beaucoup sur le problème de l’obésité et du sur-poids. Ces deux expertises peuvent paraître contradictoires, existe t’il des points communs ?

Anthony Berthou : Bien qu’ils puissent paraître contradictoires, ces deux sujets sont pourtant très liés. Le point commun est bien évidemment l’alimentation. Ce qu’il est essentiel de comprendre, c’est que nous sommes les premiers acteurs de notre santé et qu’elle commence avant tout par deux éléments : ce que l’on met dans notre assiette et notre état génétique.

Nous ne sommes faits ni pour rester sédentaires, ni pour consommer les produits que l’on retrouve depuis quelques décennies. L’enjeu va plus s’orienter vers un état de santé lorsque l’on parle de quelqu’un qui souffre d’obésité, alors que l’enjeu sera plus l’optimisation des processus pour un athlète. Le point central restant l’alimentation qui touche tout le monde. Selon moi, c’est aussi important de travailler sur ces deux sujets.

Tu travailles beaucoup avec des athlètes de haut niveau, j’imagine qu’ils se connaissent déjà plutôt bien et ont probablement leurs automatismes. Qu’apportes-tu aux athlètes avec qui tu travailles, de quelle façon interviens-tu ?

Anthony Berthou : C’est très variable en fonction des athlètes. Certains ont très bien intégré la nutrition comme un facteur de performance à la fois dans leur quotidien que dans une stratégie de course. On peut un peu les comparer à une formule 1, dans laquelle on va chercher à optimiser et affiner le moindre détail pour le jour de la course. Cela peut être le confort digestif, mais aussi la gestion la gestion de la glycémie, l’état de tonicité musculaire, ou beaucoup d’autres etc.

D’autres athlètes, en revanche, qui ont déjà des performances importantes mais n’ont pas encore appréhendé la nutrition comme un facteur de performance à part entière. Dans ces cas-là, on reprend parfois des fondamentaux mais cela reste quand même rare. Cela fait bientôt 20 ans que je travaille avec des sportifs et je vois l’évolution. L’approche a bien évolué donc on travaille de plus en plus en précision et mon travail s’effectue alors au cas par cas. Pour chacun le besoin est très différent.

Comme tu l’exprimes très bien dans l’une de tes vidéos sur les protéines de lait et de gluten, la nutrition et l’équilibre alimentaire sont des problématiques propres à chacun et très personnelles finalement !

Anthony Berthou : C’est passionnant et toute la difficulté est de vulgariser une information pour la rendre accessible au plus grand nombre sans tomber dans la caricature ou le dogmatisme. Tu évoques ma vidéo sur les protéines de lait ou de gluten. C’est, selon moi, le travers de beaucoup en ce moment, qui est de définir des règles pré-établies. Or, on sait que l’on a des réactions personnelles en fonction de notre comportement, de notre génétique et de notre environnement.

Je travaille beaucoup sur l’approche « nutri-génétique  » dont le but est d’aborder la nutrition différemment, en fonction de notre capital génétique ou de nos pré-dispositions. On peut aller de manière extrêmement fine dans la personnalisation, tout en essayant de définir les grandes lignes directrices qui sont valables pour la plupart des athlètes.


On essaye de plus en plus de prôner une alimentation naturelle et la moins transformée possible. Cependant, lorsque l’on regarde le marché de la nutrition sportive, on voit beaucoup de produits assez industriels, fabriqués avec beaucoup de procédés. Comment expliques-tu ce paradoxe et quel est ton discours face à ces deux problématiques, qui peuvent sembler contradictoires ?

Je suis le premier à prôner une alimentation brute, non transformée et d’origine locale. Et il y a souvent une confusion entre l’approche biologique et la qualité nutritionnelle des aliments. De manière très empirique, si l’on revient à une alimentation dans laquelle on cuisine soi-même avec des produits bruts qui ont été cultivés de manière responsable, on résout déjà une très grande partie des problèmes et on améliore ses performances. On est génétiquement programmé pour ce type d’alimentation.

Après, pour la spécificité de la pratique sportive et la nutrition pendant l’effort, il y a souvent une confusion. Il peut y avoir effectivement des produits très chimiques et industriels. Je pense notamment aux additifs et aux arômes artificiels qui vont complètement à l’encontre d’une alimentation brute et naturelle.

Mais il existe des produits (on parlait de pâtes de fruits) qui peuvent être très qualitatifs. On a un besoin, lors de l’effort, lié à la gestion de glycémie tout en ayant une contrainte de confort digestif. Donc, on est parfois amené à utiliser des produits qui aident à résoudre cette double contrainte. Durant des efforts longs, on a, en plus, le besoin de consommer des nutriments comme le Sodium (Na+). Le sucre et ces nutriments peuvent être trouvés dans l’alimentation de manière naturelle.

Cependant, on ne peut pas mettre dans le même panier tous les produits. Certains, très bas de gamme, sont souvent très chimiques et d’autres beaucoup plus naturels, certes pas forcément représentatifs d’une alimentation quotidienne mais qui sont cohérents dans le cadre d’une alimentation naturelle en vue d’une stratégie de course.

Le problème est que beaucoup d’athlètes sur-consomment ces produits et ont tendance à croire qu’ils peuvent être des produits miracles.
Ce que je leur dis souvent, c’est qu’un produit ne leur fera jamais gagner une course, mais en revanche, il peut leur faire perdre une course : la consommation d’un produit peut entraîner des variations trop importantes de la glycémie, des troubles digestifs, des problématiques musculaires. Par conséquent, croire que l’on va gagner une course grâce à un gel, une barre ou une boisson, c’est se tromper sur le rôle de la nutrition.

Il ne viendrait à l’esprit de personne d’essayer une nouvelle paire de chaussures le jour d’une course. L’alimentation révèle la même problématique. Son objectif est d’optimiser les adaptations cellulaires qui sont attendues de l’entraînement, cela se fait donc au quotidien et certainement pas le jour de la course.

Anthony Berthou triathlète

Quels conseils donnes-tu aux athlètes qui te consultent pour faire la démarcation entre tous les produits sur le marché, dont la qualité est, comme tu le dis, très hétérogène ?

Anthony Berthou : C’est mon rôle de filtrer la qualité des produits s’ils en ont besoin. Dans les sorts d’endurance, la nutrition est souvent un problème de confort digestif. Donc le premier objectif est de trouver pour une personne, les produits qui lui conviennent. Après, on a parfois des décalages entre le besoin théorique et la mise en application. Donc on rentre encore plus dans la personnalisation du protocole de prise et du choix des produits. Cela se fait en concertation avec l’athlète, bien entendu. Aujourd’hui, on retrouve des tendances naturelles, à base de miel, de compotes ou de fruits qui peuvent être très intéressantes.

Il t’arrive de faire des comparatifs de produits ? Je n’en ai vu aucun sur ton blog.

Je n’ai aucun problème à comparer les produits. J’ai moi-même eu l’occasion de formuler des produits par le passé, lorsque l’on m’avait sollicité. Cela me permet de créer des produits correspondants à ce que je considère comme adaptés au cours de l’effort.

On voit beaucoup de comparatifs sur internet. Mais la vraie question est quelle est l’objectivité de celui qui réalise le comparatif. En parlant d’objectivité, je pose la question de savoir quels sont les critères de qualité et de jugement pour réaliser un tel comparatif. Ces critères sont parfois complètement subjectifs. Il y a beaucoup de nuances à apporter pour ne pas troubler les athlètes. Donc je ferai un comparatif prochainement dans les critères de choix objectifs pour répondre au besoin des athlètes intéressés.

Il est, de plus en plus dur, de voir le vrai du faux lorsque l’on lit les étiquettes de ce que l’on achète. Le consommateur est perdu face à des dénominations scientifiques complexes et des messages marketing souvent trompeurs …

Anthony Berthou : Tu as tout à fait raison, cela devient de moins en moins évident de s’y retrouver pour le consommateur. Mais aussi pour le professionnel de la nutrition, cela devient compliqué. Car il y a d’un côté, une complexité dans la formation et de l’autre des langages marketing qui portent à confusion.

Il y a un autre aspect qui sème le trouble, ce sont les allégations nutritionnelles, c’est-à-dire les promesses que peuvent faire les marques quant à l’utilisation de certains minéraux ou certaines vitamines. On voit parfois des aberrations sur des packagings, car une allégation a été autorisée dans un sens, je pense notamment au magnésium qui pourrait réduire la fatigue. J’utilise le terme « aberration » car elles sont prises au pied de la lettre par certaines personnes. A vouloir trop cadrer la réglementation, on arrive à certains travers…

formation anthony berthou paris
On entend de plus en plus parler du terme « superaliments ». Bien qu’il n’existe pas de définitions établies, le terme englobe des produits naturels qui contiennent plus de nutriments que les autres. Tout en faisant encore attention au discours marketing, penses-tu qu’ils trouvent leur place dans l’alimentation des sportifs qui cherchent à s’alimenter naturellement ?


Oui, les aliments englobés par le terme « superaliments » prennent tout à fait leur place dans l’assiette des sportifs. Mais comme tu le dis, il n’y a aucune réglementation. On peut parler de spiruline, de graines de chia et d’autres qui ont des vertus nutritionnelles importantes et sont très intéressants. Attention à ne pas les mettre sur un piédestal ou en faire des produits miracles. Certes ce sont des ingrédients très intéressants, par exemple la spiruline qui contient énormément de protéines et de minéraux, mais ils ne peuvent pas résoudre tous les problèmes. Donc il faut prendre garde à certains raccourcis qui donnent trop de crédits à certains ingrédients.

Pour la vitamine C, on a beaucoup de mal à trouver de l’acérola avec un dosage intéressant, mais on voit souvent des vitamines C extraites de l’acérola, car le processus d’extraction n’est plus aussi naturelle qu’elle ne l’est à l’origine.

Un autre exemple, serait celui de la stévia et des édulcorants. Aujourd’hui les processus d’extraction des agents sucrants qu’elle contient, n’ont plus rien de naturels donc elle perd énormément de sa valeur nutritionnelle.

Il y a deux choses :
– Les superaliments qui se veulent naturels, mais dont le procédé d’extraction leur font perdre tout leur intérêt.
– Les superaliments sont de très bons alliés dans l’alimentation, mais il faut prendre garde au raccourci, à la manière dont ils sont cultivés et au discours marketing qui leur est associé.

Retrouvez les informations d’Anthony Berthou sur son blog : Santé et Nutrition.
Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à aller le rencontrer lors de ses ateliers de formation.