courir à jeun

Que ce soit pour maigrir ou améliorer ses performances, courir à jeun est un débat aussi redondant chez les novices que chez les sportifs de haut niveau. Il est souvent recommandé dans deux buts distincts :

  • Maigrir : évidemment, courir sans apport d’énergie (de glycogène) force l’organisme à venir puiser dans ses ressources, c’est-à-dire ses graisses excédentaires.
  • Augmenter son seuil de résistance et optimiser la consommation des réserves glucidiques et lipidiques pour un effort long.

Courir à jeun : une histoire de glycogène

Souvent conseillée pour « sécher », cette méthode fonctionne, mais est-elle sans danger ?

Avant de donner une réponse claire, voici quelques informations scientifiques. Le glycogène de notre corps est stocké dans deux endroits :
– 70 à 75 % est stocké par nos muscles, c’est le glycogène musculaire. Il représente environ environ 350 à 400 grammes (plus précisément 15 g/kg de muscle). C’est principalement ce sucre que nous utilisons pendant un effort physique.
– Le reste du glycogène est stocké par notre foie, c’est le glycogène hépatique. Celui-ci est très peu exploitable par nos muscles et sert surtout à maintenir notre glycémie (taux de sucre dans le sang) pour alimenter nos organes vitaux et notamment notre cerveau. Cet apport est particulièrement important pour notre cerveau qui, à lui seul, consomme 4 à 5 grammes de glucides, soit l’équivalent d’un morceau de sucre, par heure !

Cependant, il existe pour le corps une autre source d’énergie provenant du phénomène de dégradation des acides gras ou lipides, appelé lipolyse.
Ce processus est lent et ne suffit pas à lui seul à fournir l’énergie suffisante lors des efforts intenses. Il est de plus en plus efficace lorsque la durée de l’effort s’allonge (au delà de 45 min en moyenne).

Lorsque nous mangeons, l’apport énergétique vient se substituer aux réserves de glycogène et ralentit aussi nettement le processus de dégradation des lipides.
Au contraire, lorsque nous allons faire du running à jeun, les deux phénomènes précédents s’inversent :

  • Le corps et les muscles utilisent au mieux les réserves de glycogène musculaire.
  • L’utilisation des graisses est accélérée pour répondre au besoin en glycogène de nos organes.

Courir à jeun pour maigrir et brûler des graisses

Logiquement, lorsque nous sommes à jeun, notre glycémie baisse. On observe alors une utilisation accrue des acides gras (graisses) par notre organisme pour produire de l’énergie (sur certaines personnes, la dégradation est multipliée par 5 !).

Après une courte période d’adaptation, une autre source lipidique, le glycérol, sera mis à contribution et transformé par le foie pour fabriquer du glucose destiné à nourrir les organes vitaux (cerveau et cœur) durant vos sorties à jeun du matin.
S’entraîner à jeun permet donc de brûler des graisses excédentaires.

Le matin pour plus d’efficacité

Suite à une nuit de sommeil, notre réserve de glycogène hépatique est basse, car nos organes ont besoin de glycogène même lorsque nous dormons. Un footing matinal va donc épuiser le dernier des stocks de glycogène musculaire disponible.

En revanche, du fait de l’utilisation par les organes dits « glucodépendants » (cerveau, globules rouges notamment) pendant la nuit, notre foie a besoin de glycogène pour approvisionner nos organes. Mais sans présence de glycogène, c’est les lipides qui vont servir de source d’énergie.
Dit autrement, cette situation force l’organisme à utiliser les graisses pour fabriquer l’énergie dont il a besoin… il « tape dans les graisses ». Cette situation est surtout valable pour un organisme peu habitué à réaliser des efforts d’endurance. Plus on habitue son corps à ce genre d’effort, plus il perdra de l’effet.

Ainsi, si tu es sportif(ve) mais souhaites perdre du poids et que tu t’entraînes à jeun de temps en temps, rien ne sert d’augmenter la fréquence d’entraînements à jeun.

Attention, courir à jeun ne signifie pas courir déshydrater !
Boire un verre d’eau, un bol de thé ou une boisson énergisante naturelle est impératif !

Courir à jeun n’est pas sans danger

Le premier danger est de ne pas s’hydrater !
Cela favorise le risque de blessures, notamment les tendinites si l’organisme n’est pas suffisamment hydraté. En effet, les tendinites sont souvent dues à une hydratation insuffisante.

L’hypoglycémie, le grand ennemi du sportif peut arriver lorsque l’on s’entraîne à jeun. Sans sucre, c’est parfois l’organisme qui lâche. Et cela peut aussi arriver après l’entraînement. Dans ce cas, il faut arrêter tout de suite l’effort, s’asseoir, boire beaucoup et manger.
Il faut se rappeler qu’environ 1 g de stockage en glycogène nécessite l’utilisation de 3 g (2,7) d’eau.
Attention aux déchets cétoniques !

A défaut de glucose, les cellules nerveuses peuvent se contenter d’une énergie de remplacement, les corps cétoniques. Ces derniers sont produits par la dégradation des acides gras (lipides).
Après une heure d’effort, ils commencent à être produits en grande quantité , ils s’accumulent dans le sang et deviennent des déchets toxiques pour l’organisme pouvant provoquer des problèmes rénaux et une mauvaise récupération. Prends donc garde à ne pas courir à jeun trop longtemps.

S’entraîner à jeun pour améliorer ses performances ?

Oui et non ! Occasionnellement, s’entraîner à jeun habitue et entraîne l’organisme à être plus efficace dans la mobilisation des graisses, c’est-à-dire leur transformation en énergie utilisable par le muscle.
Ce point est particulièrement intéressant dans les sports d’endurance de longue durée comme le cyclisme ou le marathon qui épuisent en quelques heures les réserves de glycogène (voir comment éviter le fameux mur des 30 kilomètres au marathon).

En revanche, pour des entraînements touchant d’autres filières que l’aérobie et développant d’autres aptitudes que l’endurance (vélocité, puissance, résistance au seuil, vitesse etc.), il a été constaté sur des athlètes de hauts niveaux, une baisse d’énergie les jours et semaine suivantes mettant en péril leur préparation foncière, lorsque les efforts à jeun étaient trop intenses. (voir étude à la fin de l’article).

De récentes études ont montré qu’il était préférable de faire ce genre d’exercice uniquement en période d’entrainement foncier et de l’éviter à l’approche d’une compétition.

Nos conseils

  • Boire un grand verre d’eau avant de commencer à courir.
  • Le dernier repas avant le mini jeune ou la nuit de sommeil doit être riche en glucides (lents si possibles).
  • Vas-y progressivement ! Si c’est la première fois que tu cours à jeun mieux vaut prévoir une petite sortie. D’abord, 20-25 minutes puis allonge progressivement la durée.
  • Prendre de quoi se ravitailler ! Malgré l’expérience, nous ne sommes jamais à l’abri d’un coup de fatigue, de chaleur ou d’une crise d’hypoglycémie. Prendre une barre, un fruit ou un peu d’argent pour avoir rapidement quelque chose à manger en cas de coup dur.
  • Ecouter son corps, il a toujours raison. Si tu ressens des signaux négatifs, arrête-toi, mange et bois mais ne donne pas tout ! Garde votre énergie pour une séance complète ou une compétition !
  • Une fois ton entrainement terminé, mange rapidement un vrai repas avec si possible une source de sucre rapide telle que des fruits qui se digèrent rapidement. C’est aussi le moment idéal pour consommer des superaliments
  • Privilégie un effort d’endurance (<75% VMA) et bannis tout exercice d’intensité pouvant entraîner un surplus d’acidité musculaire et des difficultés à récupérer. N’oublis pas que la fréquence cardiaque ne doit pas être trop élevée si tu souhaites optimiser la consommation de graisse.
  • Ne cours pas à jeun plus d’une fois par semaine ! Il faut être lucide, courir à jeun fatigue réellement l’organisme. Laisse lui le temps de se reposer avant de recommencer.

Sources PubMed :
Amélioration de l’utilisation des lipides à jeun
Adaptations aux muscles squelettiques avec entraînement en endurance dans un état à jeun .
Les bénéfices de l’entrainement à jeun pour le métabolisme

Autres sources :
sante-et-nutrition.com
Utilisation du glycogène